On mange dans des assiettes propres, on dort dans des draps propres…
Pourquoi laisserait-on les abeilles élever leurs petits ou ranger le miel dans des rayons sales?
La contamination des cires d’abeilles
La cire des cellules constituant les cadres de la ruche est élaborée naturellement par les abeilles cirières à base de miel et de pollen; les jeunes abeilles disposent de glandes à cire sous leur abdomen et si les ressources alimentaires sont suffisantes elles en profitent pour fabriquer de la cire et agrandir leur espace vital en vue de se développer (ponte et élevage des larves) ou de stocker des réserves (miel, pollen, propolis…) pour des besoins futurs….
Pour faciliter le travail des abeilles et des apiculteurs, des cires gaufrées à base de cires d’opercules sont introduites régulièrement dans la ruche (constitution de nouveaux essaims, remplacement de vieilles cires et des cadres abimés). Mais si la cire est étanche a l’eau, elle absorbe de nombreuses molécules chimiques provenant de l’environnement (butinage, air…) ou introduites par les apiculteurs (traitements anti varroa) qui s’accumulent au fil des ans et qui polluent les cadres sur lesquels les abeilles élèvent ou stockent leurs provisions…
De nombreux apiculteurs rencontrent régulièrement des problèmes avec des lots de cires gaufrées, c’est-à-dire : refus d’abeille de bâtir ces cires ; refus de la reine de pondre ces cadres ; mauvaises tenue des cires notamment à la chaleur ; ceci en raison de la contamination de certaines cires par des molécules chimiques issues du monde agricole, industriel ou de l’apiculteur lui même (prophylaxie).
La pénurie de cire saine
Structurellement, la filière apicole française produit moins de miel chaque année et donc manque chaque année un peu plus de cires d’opercules (seule cire d’abeille naturelle et a peu près saine). Le marché français présente donc un déficit important en cire d’abeille pour pourvoir aux besoins des apiculteurs… Néanmoins, l’apiculteur doit absolument se procurer des cires, car sans cire, pas de production, pas de renouvellement des colonies…. Il se retourne donc vers des distributeurs professionnels qui, pour combler le manque de cire domestique, doivent importer des cires étrangères (Asie, Amérique latine, Australie etc… avec le risque d’être chargées en produits chimiques toxiques pour les abeilles, y compris des substances non autorisées en agriculture en France…) soit des cires avec des additifs pétroliers comme la paraffine ou la stéarine. Plusieurs scandales sont parus récemment sur les cires et leurs contaminations après analyses….
Dans certaines cires conventionnelles, on peut donc trouver des résidus de traitement anti-varroas, mais aussi de produits chimiques insecticides ou fongicides utilises dans l’agriculture conventionnelle… et parfois interdits depuis 50 ans…des pesticides qui resteront dans le corps gras de la cire… tout comme certaines bactéries présentes dans les cires selon leur provenance (spore de loque américaine ou européenne issue de cadres de corps refondus…).
Les cires contaminées devraient impérativement détruites pour ne pas être remises dans le circuit de la cire recyclée. Sinon la cire contaminée restera indéfiniment dans le commerce… et les larves exposées (et donc des abeilles présentant des faiblesses ou des incapacités notamment orientation, résistance aux maladies, reproduction (semence de faux bourdon ou ovules de la reine…) et les produits de la ruche potentiellement contaminés.
C’est aussi pour cette raison qu’il est indispensable de conserver, de développer et d’encourager la filière bio en apiculture, qui est la seule filière en mesure de proposer des cires d’opercules biologiques à peu près exemptes des produits chimiques accumulés au fil des ans. En effet le manque structurel de cire dans la filière induit des comportements à risque comme la refonte des vieux cadres et la remise en circulation des vieilles cires…
Alors naturellement notre miel biologique coutera un poil plus cher qu’un miel conventionnel, et c’est normal, car:
– les zones de butinage ‘propres’ sont moins nombreuses et leurs ressources sont plus diffuses. En général sans irrigation (zones naturelles ou faiblement cultivées)…On aura donc une concentration moindre de ruches et davantage de logistique pour des récoltes moins abondantes;
– le nombre de traitements varroa sera plus important (car l’efficacité des produits utilisables en apiculture biologique est moindre et donc à répéter plus souvent…par contre, ils induisent moins de résistances…) et la surveillance des ruches sera plus fréquente et chaque visite devra être plus approfondie;
– le cout des intrants (nourrissement) est au-delà du double; et le risque est de devoir en consommer davantage en cas de mauvaise année de récolte puisqu’on exclut une grande partie des grandes cultures;
– il y a un surcoût important pour les contrôles et les analyses.
Ci dessous, un schéma pour expliquer la filière cire en France et ses acteurs.
En vue de prévenir la contamination possible du couvain et du miel, nous utilisons notre propre cire issue de l’exploitation, afin de minimiser les intrants à risque pour une meilleure santé des abeilles et du consommateur.
l’intégralité de nos ruches sont traitées depuis dix ans contre le varroa avec des produits compatibles avec l’apiculture biologique. Cette démarche permet de mieux répondre aux intérêts de l’abeille et de nos clients, mais aussi de ne pas encourager le développement de l’industrie chimique avec tous les abus et fraudes qui vont avec…
En 2023 j’ai procédé à un prélèvement sur mes cires et les ai faites analyser en vue de vérifier leur qualité et leur conformité au cahier des charges AB, les résultats sont positifs et encourageants (avec seulement 4 molécules trouvées dans des proportions infimes (à peine détectables) et largement inférieures au seuil (LMR) exigé). Ce qui atteste et démontre de la pertinence du choix de mes emplacements et des procédures de vérifications et de sélection desdits emplacements effectuées par les bureaux de contrôle.
A contrario, on trouve de nombreuses molécules phytosanitaires (désherbants, insecticides et fongicides) dans de nombreux lots de cires conventionnelles et à des taux parfois préoccupants, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure de l’absence de contraintes spécifiques sur les traitements varroa ni sur les emplacements (grandes cultures, arboriculture…) qui sont malheureusement favorables à l’accumulation de telles substances dans les cires y compris d’opercules…